Dans une époque où la technologie mobile est omniprésente, le téléphone portable est devenu un accessoire indispensable pour la majorité des adultes. Cette tendance gagne également les enfants, avec une baisse continue de l’âge moyen auquel nos jeunes acquièrent leur premier GSM. Mais cette précocité révèle bien des dangers cachés. C’est au travers de mon expérience et des études que j’ai consultées que je vous emmène pour un article particulier, mais qui me tenait à cœur.
À la fin de l’année scolaire, je suis resté abasourdi par le constat que pratiquement tous les élèves de ma classe avaient un GSM supérieur au mien. Bon OK, je n’ai qu’un iPhone x, mais dans un métier ou l’enseignant d’antan faisait référence pour la technologie c’est choquant. Je me souviens du temps où j’étais moi-même élève, avec quel émerveillement j’ai découvert l’enregistreur à cassette, les appareils photo à développement instantané et la première calculatrice solaire. C’était une fierté pour le prof de partager avec nous les avancées technologiques du moment et de nous expliquer leurs fonctionnements. L’école d’aujourd’hui est déjà démodée dans son évolution numérique avec son matériel désuet et un réseau wifi souvent bidouillé par les enseignants eux-mêmes, quand il y en a un. Mais si en plus les instits motivés comme moi se retrouvent « has been » à chaque fois qu’ils sortent leur engin. Où va le monde !
Autre exemple impressionnant, dans les classes inférieures, les enfants dorment littéralement debout le matin. Quand on leur demande pourquoi ils sont si fatigués ? Ils répondent à l’unanimité : « J’ai joué avec mon phone, m’sieur ! ». Certains dorment avec, comme si c’était leur doudou ! Alors que d’autres mangent avec l’engin planté devant eux ; « sinon il ne veut plus manger son assiette », nous disent les parents ! Sidérant, non ? Et pourtant c’est notre triste réalité ! Plus sérieusement, de nombreuses études scientifiques mettent en garde contre les effets potentiellement négatifs de l’utilisation abusive des téléphones sur le développement des enfants. Partons à la découverte des raisons pour lesquelles il est déconseillé de donner un portable à un enfant, les impacts que cela peut avoir sur leur développement, et le rôle crucial que nous parents devons tenir pour atténuer ces effets.
Les dangers d’une exposition précoce aux téléphones portables.
Effets sur le Développement cognitif.
L’une des principales préoccupations concernant l’utilisation des téléphones portables par les enfants est son impact potentiel sur le développement cognitif. Plusieurs études montrent que l’utilisation excessive des écrans, y compris ceux des téléphones, est liée à une diminution des capacités cognitives. Une étude publiée dans la revue JAMA Pediatrics a révélé que les enfants exposés de manière excessive aux écrans entre 2 et 5 ans avaient des scores inférieurs dans les tests de développement du langage et de la motricité fine comme l’écriture, le dessin, le coloriage. Ces résultats sont particulièrement inquiétants, car les premières années de la vie sont cruciales pour le développement du cerveau.
L’utilisation prolongée des téléphones portables peut également nuire à la capacité de concentration des enfants. Les notifications constantes, les jeux interactifs et l’accès facile aux réseaux sociaux sont autant de sources de distraction qui peuvent rendre difficile la concentration sur des tâches scolaires ou des activités nécessitant une attention prolongée. À long terme, cela peut entraîner des difficultés d’apprentissage et une baisse des performances académiques. Croyez-moi, nous sommes déjà en plein dedans. Dans ma classe, depuis le confinement, il m’est devenu impossible de garder la concentration des enfants au-delà des dix minutes et pour certains une dizaine de secondes ! Je me suis renseigné cet été, en lisant un livre de Bruno Patino « Tempête dans un bocal » et pour paraphraser, sa conclusion est la suivante : « Nous nous trouvons devant un fait historique, le temps de concentration des enfants a été ramené à celle du poisson rouge, qui est de huit secondes, et notre addiction au virtuel en est la principale responsable. On ne sait pas à l’heure actuelle comment arrêter cette fuite de concentration mis à part par le contrôle et la diminution drastique de l’exposition aux écrans. »
Perturbations du Sommeil.
Le sommeil est un facteur clef dans le développement physique et mental des enfants. Pourtant, l’utilisation des téléphones avant le coucher peut gravement perturber leur nuit. La lumière bleue émise par les écrans inhibe la production de mélatonine, une hormone essentielle pour réguler le sommeil. Une étude menée par le National Institute of Health a révélé que les enfants qui utilisent leur portable avant de se coucher dorment en moyenne 21 minutes de moins par nuit et ont un sommeil de moins bonne qualité. Et ce n’est qu’une partie de l’iceberg, dans ma classe, il est habituel qu’un ou deux élèves sommeillent lamentablement sur leur banc une partie de la matinée. Soit, ils avaient joué une bonne partie de la nuit ou simplement ils étaient restés en communication avec un autre ou en groupe, voir parfois les deux à la fois ! J’en ai même un qui m’a justifié n’avoir pas fait son devoir, car quand il s’est rappelé, à minuit, qu’il m’avait promis de le faire, personne n’avait répondu à son appel d’envoi de la feuille ! Et oui, même ça ! les « grands motivés débrouillards » font un groupe où ils ont choisi un élève qu’il considère comme intello et qui doit faire les devoirs et les scanner pour que les autres puissent recopier sans se fatiguer en échange de leurs protections. J’ai même parfois des photocopies du devoir exécuté par le généreux donateur.
Les conséquences du manque de sommeil chez les enfants sont bien documentées. Il est lié à des problèmes de mémoire, une capacité réduite à gérer les émotions, et une baisse de la vigilance. De plus, le sommeil insuffisant peut contribuer à des problèmes de santé physique, comme l’obésité et un affaiblissement du système immunitaire, des sautes d’humeur, voir une tendance à la morosité.
Risques de Dépendance.
Les téléphones portables sont pensés pour être addictifs, et les enfants sont particulièrement vulnérables à cette addiction. Les jeux, les applications de réseaux sociaux et même les vidéos en ligne sont tous conçus pour captiver l’utilisateur et l’inciter à passer plus de temps sur l’appareil. Une étude publiée dans Cyberpsychology, Behavior, and Social Networking montre que les enfants qui passent plus de trois heures par jour sur un téléphone portable sont plus susceptibles de développer des symptômes d’addiction, comme l’anxiété, l’irritabilité et la dépression lorsqu’ils sont séparés de leur appareil. D’un autre côté, difficile face à cet éventail de distractions que l’école reste passionnante avec ses cahiers, ses bics et ses crayons ; sa rigueur et tout son matériel d’un autre âge. Rester passionnant et attractif est devenu un vrai défi. J’en ai même un qui m’avait bâti une stratégie de publications pour notre groupe cover dont il était fan ! Il ne participait que très peu pendant les leçons de math. « Flemme, m’sieur ! » Mais à la récréation il avait retrouvé son énergie et venait me parler de ce que je devais mettre en place pour percer sur YouTube et sur tic toc. Comment je devais faire les vidéos et le matériel indispensable que je devais acheter pour réussir sur les réseaux. Il demandait même que je lui passe mon téléphone pour mieux m’expliquer !
La dépendance aux téléphones portables peut également interférer avec la capacité des enfants à développer des compétences sociales. Passer trop de temps sur son téléphone portable peut limiter les interactions en face à face avec les pairs et les adultes, ce qui est essentiel pour le développement des compétences sociales et émotionnelles. En conséquence, ces enfants peuvent avoir plus de difficultés à naviguer dans les relations sociales et à comprendre les indices sociaux. Nous passons chaque jour des récréations entières à démêler les « conversations » tenues la veille sur les réseaux ! Même les plus timides se voient pousser des ailes pour incendier l’un ou l’autre ! Souvent sans trop savoir le sens des mots qu’ils ont employé et encore moins les conséquences qu’elles vont avoir sur les relations du groupe !
Impact sur la santé physique.
Outre les risques pour la santé mentale et le développement cognitif, l’utilisation excessive des téléphones portables par les enfants pose également des risques pour leur santé physique. L’une des conséquences les plus évidentes est la réduction de l’activité physique. Les enfants qui passent beaucoup de temps sur leur téléphone portable sont moins enclins à participer à des activités physiques, ce qui peut conduire à un mode de vie sédentaire et à une augmentation du risque d’obésité. Et là, nous sommes en plein dedans, car en trente ans (oui ça va ! je suis un vieil enseignant) la taille et la corpulence des élèves se sont fortement décuplées. Quand nous sommes en fin de cursus, il est courant que des élèves de 12 ans soient plus grands, mais également plus lourds que moi !
De plus, la posture adoptée lors de l’utilisation d’un téléphone portable, avec la tête penchée en avant et les épaules arrondies, peut entraîner des problèmes musculo-squelettiques. Les douleurs au cou et au dos, souvent appelées « cou de texto » ou « text neck » en anglais, deviennent de plus en plus courantes chez les jeunes utilisateurs de téléphones portables.
Les conséquences sociales et psychologiques
Isolement social.
L’utilisation excessive des téléphones peut conduire à un isolement social chez les enfants. Bien que les portables soient censés faciliter la communication, ils peuvent paradoxalement isoler les enfants de leur environnement immédiat. Plutôt que d’interagir avec leur famille ou leurs amis en personne, les enfants peuvent se retrouver absorbés par leur appareil, réduisant ainsi les opportunités de développement de compétences sociales et émotionnelles.
Les réseaux sociaux, en particulier, peuvent exacerber ce problème. Les enfants peuvent se sentir sous pression pour obtenir des « likes » ou des commentaires sur leurs publications, ce qui peut affecter leur estime de soi. Une étude publiée dans The Lancet Child & Adolescent Health a trouvé une corrélation entre l’utilisation des réseaux sociaux et l’augmentation des sentiments de solitude et de dépression chez les jeunes adolescents.
Exposition à des contenus inappropriés.
L’accès à Internet via un GSM expose les enfants à des contenus inappropriés, qu’il s’agisse de violence, de pornographie ou de cyberintimidation. Bien que des filtres de contenu puissent être mis en place, ils ne sont pas infaillibles, et les enfants peuvent encore être exposés à des contenus qui ne sont pas adaptés à leur âge.
La cyberintimidation est un problème croissant lié à l’utilisation des téléphones. Les enfants peuvent être victimes de harcèlement en ligne, ce qui peut avoir des conséquences graves sur leur bien-être mental. Une étude réalisée par Pew Research Center a révélé que 59 % des adolescents américains ont souffert de cyberintimidation, et ces expériences sont souvent exacerbées par l’utilisation intensive des portables.
Le rôle des parents : Comment gérer l’usage des téléphones portables.
Retarder l’acquisition d’un téléphone portable.
Une des premières étapes que nous devons respecter pour le bien de nos enfants est de retarder autant que possible l’acquisition d’un téléphone . Ce que je vois le plus en classe, c’est l’influence de la pression sociale qui nous pousse à donner un GSM à nos enfants dès le plus jeune âge. On n’a pas envie d’être jugé rétrograde, mauvais parent qui ne veut pas faire plaisir à ses enfants, ou je ne sais quoi d’autre… Ha oui ! Qu’il me foute la paix !
Il est important de se rappeler que ce sont vos enfants ! Que vous les éduquez comme vous le souhaitez et que chaque situation est différente, que chaque enfant est unique et que le bon moment pour acquérir un téléphone dépend de la maturité de l’enfant. Jusqu’à présent je n’ai pas encore lu d’étude qui recense le nombre de décès chez les enfants privés de téléphone ! que du contraire que de la concentration et de l’éveil en plus
Les experts suggèrent que les enfants ne devraient pas avoir leur propre GSM avant l’âge de 12 à 14 ans, et même alors, l’utilisation du téléphone devrait être surveillée et limitée. C’est mal d’espionner la vie virtuelle de votre enfant ? Il existe plein de petites astuces pour limiter les accès aux contenus inappropriés, des moyens de suivre les conversations sur les différents réseaux, mais c’est une solution restrictive qui risque la frustration et surtout de développer chez votre enfant des envies de se créer un univers virtuel caché. Une autre solution moins radicale, mais qui demandera plus de temps, de finesse, est de prendre le temps de parler avec vos enfants d’expliquer pourquoi certains sites sont inappropriés. De quoi, de qui faut-il se méfier sur les réseaux ? Comment les reconnaître, les démasquer ? Que peut-on filmer ? Qu’est-ce qui ne se montre pas ? Pourquoi c’est dangereux de publier les moindres moments de sa vie ? Qu’est ce qui est privé ? Qu’est ce qui peut être publique ? Pourquoi les trop longues expositions sont-elles néfastes pour notre cerveau ? Dans un souci d’ouverture et de dialogue lui demander régulièrement de regarder ensemble ce qui se passe sur son téléphone, de lui poser des questions sur ce qu’il trouve normal, d’anormal ? Qu’est-ce qui l’a fait trop rire ? Qu’est-ce qui l’a choqué ? C’est comme ça que l’on grandit main dans la main dans ce nouvel univers virtuel. Que l’on crée une relation de confiance entre l’enfant et l’adulte. Une belle complicité ne vaut-elle pas mieux qu’un contrôle draconien ?
Établir des limites claires.
Il est essentiel que nous établissions des règles claires concernant l’utilisation des téléphones portables. Ces règles peuvent inclure des limites de temps d’écran, des périodes sans téléphone, comme pendant les repas ou avant le coucher, et des restrictions sur les types d’applications et de sites Web que nos enfants peuvent utiliser.
Nous devons également adopter un comportement responsable en matière de consommation de notre GSM. Si nous sommes constamment sur notre téléphone, il est peu probable que nos enfants respectent les limites imposées. Montrer l’exemple en éteignant les portables pendant les moments familiaux ou en limitant soi-même le temps d’écran peut encourager les enfants à prendre des habitudes similaires. Mais nous en reparlerons dans un prochain article.
À l’école, le GSM est fort heureusement interdit par un règlement signé par les parents. Pourtant, chaque jour, nous devons demander aux enfants : « Qui à son portable ? Nombreux sont ceux qui l’ont et qui ont une excuse ou la validation de leurs parents. C’est déjà arrivé qu’un papa téléphone à sa fille pendant les cours. Qu’un enfant envoie un texto à sa maman prétextant qu’il ne se sentait pas bien et de venir le chercher. Que des élèves se filment sur la cour pour partager un tic toc ou qu’ils enregistrent une séquence de cours en cachette du prof pour déconner ! Difficile de tenir la barre même si pour l’instant ce n’est qu’une minorité, c’est pour cela que nous essayons d’éduquer sans sanctionner, mais c’est très compliqué de conscientiser les parents qui n’y voient aucun mal ! Certains nous disent que c’est rassurant pour eux de savoir que leur enfant puisse les joindre à tout moment ! Mais c’est la porte ouverte à tout et à n’importe quoi !
Encourager des activités alternatives.
Pour réduire la dépendance aux téléphones portables, il est important d’encourager nos enfants à participer à des activités alternatives. Le sport, les activités artistiques, la lecture ou simplement passer du temps à l’extérieur sont toutes des alternatives positives qui peuvent aider à diminuer le temps passé sur les écrans.
Nous pouvons également promouvoir des jeux et des activités qui n’impliquent pas de technologie. Les jeux de société, les puzzles, ou même les projets de bricolage sont d’excellents moyens de stimuler l’imagination et de développer des compétences cognitives et sociales sans recourir aux écrans. Les pratiquer en famille offriront des moments uniques et privilégiés pour chacun ! Essayez, je suis certain que vos enfants vous en redemanderont !
Dialogue ouvert et Éducation.
Enfin, il est crucial d’avoir un dialogue ouvert avec nos enfants concernant l’utilisation des téléphones et leurs dangers potentiels associés. Nous, les adultes, devons discuter des raisons pour lesquelles les limites sont mises en place et les aider à comprendre les risques, comme la cyberintimidation ou l’exposition à des contenus inappropriés et pourquoi nous voulons avoir un contrôle actif sur tout ça.
En éduquant nos enfants sur l’importance de l’équilibre entre l’utilisation de la technologie et d’autres aspects de la vie, nous pouvons mieux les préparer à faire des choix plus responsables en matière d’utilisation des portables à mesure qu’ils grandissent.
Conclusion
L’utilisation du portable par nos enfants est un sujet complexe qui nécessite une attention particulière de la part de tous parents. Les études scientifiques soulignent les risques associés à une utilisation précoce et excessive, notamment sur le développement cognitif, le sommeil, la santé mentale et physique, et les compétences sociales. En retardant l’acquisition d’un téléphone, en établissant des limites claires, en encourageant des activités alternatives, en maintenant un dialogue ouvert, et un certain contrôle, nous pouvons jouer un rôle crucial dans la prévention des effets négatifs associés à l’utilisation des GSM par nos enfants.
La technologie fait partie intégrante de notre société, et il est impossible de l’ignorer complètement et ça serait totalement stupide. Cependant, en prenant des mesures proactives, nous pouvons nous assurer que nos enfants grandissent avec une relation saine et équilibrée avec la technologie, leur permettant ainsi de bénéficier des avantages de celle-ci tout en minimisant les risques pour leur développement.
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À très vite pour la suite
Je suis solidaire avec tout ce que tu racontes. Mais nous sommes de plus en plus attaché à ce GSM et difficile de s’en débarrasser pour diverses raisons ( boulot, relations, recherches, etc…)
Et comme l’ enfant cherche à imiter l’adulte, en voilà les conséquences. Merci pour cet article.