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Nous avons tous un jour ressenti cette brûlure intérieure : la colère mêlée à un sentiment d’injustice profond. Qu’elle naisse d’une trahison conjugale, familiale, amicale, d’un licenciement brutal, d’un jugement erroné ou d’une parole blessante, elle envahit le cœur et l’esprit, nous poussant parfois à des réactions que nous regretterons plus tard. Mais faut-il pour autant la fuir ? Ou pouvons-nous transformer cette énergie destructrice en une énergie constructive ?

Cet article vous propose un éclairage neuroscientifique, émotionnel et pratique, accompagné d’exemples concrets, pour comprendre et canaliser cette émotion avec sagesse.

 

1.      Comprendre la colère comme une réaction primitive du cerveau.

Quand nous ressentons de la colère, notre cerveau entre littéralement en mode survie. Le centre nerveux de cette réaction est l’amygdale, une structure profonde du cerveau limbique.

Lorsqu’elle perçoit une menace (réelle ou symbolique), l’amygdale déclenche une alarme. En particulier, le noyau central de l’amygdale agit comme un interrupteur et active :

  • L’hypothalamus, qui ordonne la libération de cortisol et d’adrénaline.

Dès les premières secondes, c’est le coup de fouet immédiat : les glandes surrénales sécrètent de l’adrénaline. Le rythme cardiaque s’accélère. La respiration devient rapide et superficielle. Les pupilles se dilatent, les muscles se tendent. Le système digestif se met en pause. Le sang est redirigé vers les muscles et le cerveau. Ce cocktail physiologique prépare le corps à une réaction immédiate : fuir, combattre ou se figer (la sidération).

Si la situation se prolonge ou reste émotionnellement marquante, le cortisol entre en scène (dans les minutes ou heures suivantes). Il augmente le taux de sucre dans le sang pour fournir de l’énergie rapide. Il stimule le métabolisme pour mobiliser les ressources du corps. Il renforce l’effet de l’adrénaline (fuite/combat). Il maintient le corps en état d’alerte, augmente la vigilance, inhibe temporairement certaines fonctions (digestion, reproduction, sommeil…). Il agit sur la mémoire émotionnelle (hippocampe) et peut amplifier la sensation de peur ou de colère.

  • Le système nerveux autonome, provoquant des réactions physiques : tension musculaire, accélération cardiaque, vision focalisée.

C’est à ce moment-là que le cortex préfrontal, responsable de la logique et de la régulation émotionnelle, est court-circuité. C’est ce qu’on appelle « passer en mode amygdalien ». Le cerveau émotionnel (limbique) prend le dessus sur le néocortex, le centre de la réflexion, de l’analyse et du recul. La capacité à raisonner, à relativiser ou à choisir une réponse consciente, diminue drastiquement.

C’est pourquoi, dans une situation de colère ou d’injustice, on peut dire ou faire des choses que l’on regrettera plus tard.

  • Le tronc cérébral (instinct de survie)

Juste en dessous du cerveau limbique, le tronc cérébral est la partie la plus ancienne et primitive du cerveau, il gère les fonctions vitales et automatiques. Il est responsable des réactions instinctives de survie, c’est-à-dire le mode reptilien : Fuite, Combat, Inhibition ou sidération. Dès qu’il perçoit une menace (réelle ou perçue), il s’active instantanément, souvent avant même que le cortex préfrontal ait eu le temps d’analyser la situation. C’est ce qu’on appelle une réponse réflexe.

2.      Comment revenir au cortex préfrontal ?

–> Respirons profondément pendant 1 à 2 minutes pour désactiver la réponse de stress.

Notre corps est géré en grande partie par un système automatique : le système nerveux autonome, qui se divise en deux branches principales.

Système sympathique = l’accélérateur (combat, fuite, stress, colère)

Système parasympathique = le frein (repos, digestion, régénération, calme)

Quand nous respirons profondément, lentement et consciemment, nous activons le nerf vague, qui stimule la branche parasympathique. Donc le rythme cardiaque ralentit, la pression artérielle diminue, les muscles se détendent, le cerveau reçoit le signal : « Tu es en sécurité » et donc nous quittons l’état de survie.

Quand tu te recentres sur ta respiration, tu ramènes ton attention dans le moment présent (et non dans la réaction impulsive).

Tu engages des zones du cerveau associées à la pleine conscience, à la régulation émotionnelle, à la clarté d’esprit.

Le cortex préfrontal reprend progressivement la main.

 Des études scientifiques confirment cet effet

Une étude publiée dans Frontiers in Human Neuroscience (2018) a montré qu’une respiration lente et profonde (environ 6 respirations par minute) modifie l’activité cérébrale en renforçant les connexions entre le cortex préfrontal et l’insula (zone de conscience corporelle), facilitant ainsi la régulation émotionnelle.

Des recherches en neuro-imagerie montrent que des exercices simples de respiration calment l’amygdale, réduisent l’activité de stress et augmentent la plasticité cérébrale, c’est-à-dire la capacité à s’adapter.

–>Nommons l’émotion : « je ressens de la colère » — cela active automatiquement le cortex préfrontal, on appelle cela « labelling émotionnel » ou « affect labeling » en psychologie.

Voici comment cela fonctionne concrètement :

  • Nommer l’émotion active le langage et donc le cortex préfrontal.

Quand nous disons intérieurement ou à voix haute : « Je suis en colère. Je me sens trahi. J’ai peur. Je ressens de l’impuissance. » Nous activons les circuits du langage qui passent obligatoirement par le cortex préfrontal gauche. Ce faisant, nous ramenons notre attention consciente sur ce que nous ressentons, et nous réduisons l’activité de l’amygdale.

Des études en neurosciences (notamment de Matthew Lieberman, UCLA) ont montré que plus on nomme une émotion, moins l’amygdale s’active.

  • Nommer l’émotion c’est donner une forme au chaos intérieur.

Tant que l’émotion est floue, elle nous submerge. En la nommant, on la rend : visible, définie et contenue. Cela nous permet de reprendre le contrôle, d’y réfléchir, et d’agir avec recul.

  • Nommer l’émotion n’est pas une fuite, c’est apprivoiser ce qui nous fait mal.

Le simple fait de dire : « Là, je sens une grande colère monter en moi. » crée une distance intérieure. On n’est plus « dans » l’émotion, on la regarde. C’est le premier pas vers l’autorégulation.

« Tentons la pause. » Prenons une respiration profonde. Et essayons simplement de nommer ce que vous ressentons, avec sincérité. « Je ressens de la colère, de la frustration, de la peur. »

==> Ce n’est pas une faiblesse, c’est une reprise de pouvoir.

Quand nous nommons une émotion, nous cessons d’être sa prisonnière. Nous redevenons celui qui choisit. Celui qui est responsable de ses actes.

–> Bouger consciemment :

marcher, étirer le corps ou changer d’environnement pour réengager la pensée rationnelle. Notre cerveau est plastique donc nous pouvons manuellement « reprendre la main ». L’un des moyens les plus simples et les plus efficaces est le mouvement conscient.

Activer le corps c’est interrompre le circuit émotionnel automatique

Bouger délibérément, même un geste simple comme marcher, étirer ses bras ou secouer les mains, court-circuite l’escalade émotionnelle. Cela force le cerveau à recruter d’autres zones motrices et sensorielles, détournant l’attention de l’amygdale.

Le cortex moteur et le cortex préfrontal sont liés.

Le fait d’initier un mouvement volontaire (plutôt qu’un mouvement réflexe de défense) oblige le cerveau à repasser par le cortex préfrontal pour donner les « ordres ».

Ce retour à la décision consciente réengage l’autorégulation émotionnelle.

Le mouvement conscient ancre dans le présent. Il détourne notre esprit de la rumination ou de la projection.

Par exemple, si nous marchons lentement et synchronisons notre respiration, faisons du yoga, touchons un objet en portant attention à sa texture, réactive le système parasympathique.

Le simple fait de bouger en conscience, couplé à une respiration profonde, apaise le système nerveux autonome, réduisant l’influence du cortisol et de l’adrénaline.

Par exemple, se lever, faire quelques pas en pleine conscience, en respirant lentement.

Secouer les mains, les bras, sauter légèrement sur place, pour « décharger » l’énergie de la colère.

Se reconnecter à son corps par une action physique concrète (s’étirer, se toucher les bras, bouger les orteils dans ses chaussures).

Notre corps est une télécommande pour notre cerveau. Quand l’émotion nous submerge, nous pouvons choisir consciemment de faire un pas, de lever les bras ou de bouger les doigts… Ce simple geste peut marquer le retour du calme, de la conscience, et du pouvoir sur votre réaction. »

Reprendre conscience est le premier pas pour sortir de la réaction automatique.

  1. Exemple inspirant : Will Smith et la colère publique

L’un des exemples récents les plus marquants d’un débordement de colère est celui de Will Smith, lors de la cérémonie des Oscars 2022. Alors qu’il venait de recevoir le prix du meilleur acteur, il est monté sur scène pour gifler Chris Rock, qui avait fait une blague déplacée sur son épouse.

Dans les heures et jours suivants, Will Smith a exprimé des remords sincères, avouant qu’il avait été dominé par sa colère. Il a également reconnu ne pas avoir pris le temps de laisser son esprit rationnel reprendre le dessus.

Ce moment de bascule illustre parfaitement le passage en mode amygdalien… et la difficulté de revenir ensuite vers une action alignée.

Will Smith a depuis entamé un travail personnel profond, déclarant vouloir transformer cette chute en levier de croissance.

4.      Les 5 conseils clés pour transformer sa colère et revenir en mode conscient.

  • Reconnaissons l’émotion sans la juger.

Prenons un moment pour nommer ce que nous ressentons : colère, frustration, humiliation, rejet. Plus nous sommes précis et plus nous reprenons le contrôle.

  • Revenons dans notre corps.

Utilisons la respiration, la méditation ou le sport pour revenir dans l’instant présent. Cela calme le système nerveux et diminue l’influence de l’amygdale.

  • Écrivons ce que vous ressentons.

Le journal intime est un excellent outil pour externaliser ce feu intérieur. Écrire, c’est donner une forme maîtrisable à ce qui vous submerge.

  • Trouvons une personne-ressource.

Parler avec un coach, un thérapeute ou un ami neutre peut nous aider à retrouver clarté et perspective.

Choisissons une action alignée.

Après l’orage, quelle action pouvons-nous poser qui soit digne de nos valeurs ? Un pas, même minuscule, vers ce qui nous rend fiers de nous.

  1. Auto-coaching express : transformons la colère en moteur positif.

Voici un exercice en 5 étapes à faire dès que nous sentons une colère monter :

STOP : Respirons profondément 3 fois. Plaçons une main sur votre ventre.

Nommons : Quelle est l’émotion ? Que ressentons-nous physiquement ?

Questionnons-nous : Quelle est la blessure derrière ? Qu’est-ce qui me touche vraiment ?

Reformulons : « Je choisis de transformer cette énergie en… (action) »

Agissons : Un petit geste constructif (écrire, dire non, poser une limite, faire du sport…)

Le petit plus du coach : gardons une phrase anti-déclencheuse comme « Je suis plus grand que ma colère. »

  1. Comment réagir face à une injustice inacceptable ?

Parfois, la colère naît d’une situation que l’on ne peut ni changer ni réparer. Trahison inattendue, tromperie, iniquité judiciaire, débâcle familiale, agression verbale, violence physique, brutalité conjugale, la mort inattendue d’un enfant, d’un parent qui nous était si cher… Nous sommes totalement incapables de réagir consciemment et nous nous basculons dans le système automatique de la sidération, de la fuite ou du combat. Que faire alors pour ne pas laisser cette part de nous primitive prendre le pouvoir sur notre intelligence ?

Voici une stratégie puissante issue des philosophies stoïciennes et des travaux de Viktor Frankl :

«Entre le stimulus et la réponse, il y a un espace. Dans cet espace réside notre pouvoir de choisir notre réponse. Dans notre réponse réside notre croissance et notre liberté.» — Viktor Frankl

Dans ces moments si insupportables, nous pouvons choisir de :

  • Donner du sens à ce que nous avons vécu (même si cela reste inacceptable)
  • Décider d’agir sur ce que nous contrôlons : nos pensées, nos actions, nos valeurs
  • Nous tourner vers d’autres personnes victimes d’injustice et leur venir en aide : cela transforme notre douleur en quelque chose d’utile.
  • Intégrer que notre colère est légitime. Elle signale une valeur bafouée, une frontière violée. Mais si nous la laissons devenir le moteur de nos actes, elle nous emprisonne.

Il faut alors avoir le courage de la regardons en face, sans la laisser dicter notre conduite, alors elle devient le point de départ d’un chemin plus grand que nous.

En conclusion

Il y a une forme de grandeur dans le fait de ne pas répondre à l’injustice par l’injustice.

Il y a une forme de liberté dans le choix d’avancer malgré l’inacceptable.

Et il y a, parfois, une lumière dans l’épreuve qu’il nous est imposé par la vie… mais seulement si nous acceptons de la chercher.

La colère est donc une énergie. Mal dirigée, elle détruit. Bien canalisée, elle propulse.

Il ne s’agit pas de la nier, mais de la traverser avec conscience, de l’écouter sans s’y perdre, pour en faire un carburant d’alignement, de justice, de courage.

En devenant maître de vos réactions, vous devenez le véritable acteur de votre liberté.

À très vite pour la suite.

2 commentaires sur “Colère et injustice : 5 clefs pour reprendre le contrôle et avancer”

  1. Nous connaissons tous ou connaîtrons des moments de réaction de colère ou autres. Merci de nous donner des pistes afin de réagir au mieux.

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